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Résumé du projet

Le projet « Fiduciae : Pratiques et matérialités des relations marchandes : vers une dépersonnalisation ? (XVIIIe-XIXe siècles) » est un projet de recherche fondamentale en sciences humaines et sociales, coordonné par Arnaud Bartolomei et porté par le Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (Université Côte d’Azur). Le projet a commencé en janvier 2014 et a duré 48 mois. Il a bénéficié d’une aide de l’ANR de 120 000 euros pour un coût global de l’ordre de 1 millions d’euros.

Coordinateur : Arnaud Bartolomei (Université Côte d’Azur – CMMC)

Partenaire : Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (CMMC – EA 1193), Université Côte d’Azur. Durée : 48 mois (01/01/2014 – 31/12/2017)

Financement : Projet financé par l'Agence nationale pour la Recherche, Programme JCJC SHS3 2013.

Résumé : Les fondements des relations entre marchands (France-Europe, XVIIIe-XIXe siècles)

Les transformations des relations entre marchands en France et en Europe aux XVIIIe et XIXe siècle : une révolution dans le commerce ?

Le projet Fiduciae se propose de fournir, sur la base d’enquêtes empiriques, à la fois précises et ciblées, menées dans des fonds d’archives français, des éléments de validation formalisés et quantifiés de l’hypothèse d’une révolution dans les pratiques relationnelles des marchands en France et en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles (vers 1680-vers 1880). À travers ce prisme, il entend discuter l’idée d’une modernisation des relations entre marchands à cette époque, qui se serait traduite par le passage de relations fortement encastrées dans des liens forts, déterminés par des appartenances assignées (famille, confession, ethnie), à des relations de marché, devenues plus impersonnelles et plus ouvertement prospectives. Ce faisant, il apporte des éléments de réponse à une série de questionnements relatifs à la spécialisation, à la professionnalisation, à l’anonymisation et au désencastrement des relations de commerce : autant de concepts qui ont été trop souvent confondus et qui, bien que centraux dans les travaux d’économie néo-institutionnaliste autant que dans bien des réflexions actuellement développées en histoire et en sociologie économiques, n’ont jamais fait l’objet d’études historiques systématiques.

Une étude quantitative des relations entre marchands

Pour traiter cette hypothèse, le programme Fiduciae a fait le choix de mettre en œuvre une approche quantitative du sujet, en rupture avec une historiographie qui avait traditionnellement privilégié des approches strictement qualitatives et monographiques. Il s’appuie pour ce faire sur trois types de sources, dont d’importants échantillons ont été intégrés à des bases de données et analysés de manière à la fois quantitative et qualitative : un corpus de près de 2 000 lettres d’entrée en relation adressées à deux grandes maisons négociantes françaises (Greffulhe Montz et Cie de Paris, Roux frères de Marseille), une collection de près de 2 000 lettres circulaires imprimées adressées à ces deux mêmes firmes ainsi qu’aux sociétés Briansiaux de Lille, Veuve Guérin de Lyon et Foache du Havre, et un échantillon de 3 500 procurations collectées sur trois années (1751, 1800 et 1851), dans les archives notariales de Paris, Marseille, Lyon et Lille.

Les quelque 7 500 documents ainsi collectés à Paris (Archives nationales), Marseille (Archives de la chambre de commerce Marseille-Provence et Archives départementales des Bouches-du-Rhône), Lyon (Archives départementales du Rhône) et Lille (Archives nationales du monde du travail et Archives du Nord) ont été systématiquement dépouillés par les membres de l’équipe scientifique du programme (avec le recueil d’une quinzaine de variables pour l’ensemble des documents et de plus d’une centaine de variables par document pour des échantillons représentatifs). Ces données ont été valorisées par des traitements à la fois quantitatifs et qualitatifs. Les résultats ont par ailleurs été étayés par une importante collecte documentaire réalisée aussi bien dans les sources textuelles de l’époque (ouvrages de jurisprudence, manuels mercantiles) que dans la bibliographie existante sur le sujet (notamment les nombreuses thèses monographiques réalisées sur des maisons de commerce ou des places marchandes).

Résultats : entre les réseaux et le marché, le milieu 

Les conclusions du programme Fiduciae ne valident pas l’hypothèse la plus simple et la plus répandue sur la « révolution commerciale ». Elles confirment qu’il y eut bien des innovations importantes dans les pratiques relationnelles des marchands à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais elles montrent que ces innovations se nourrissent de pratiques anciennes, en les systématisant, bien plus qu’elles ne sont en rupture avec elles. Nos conclusions réfutent en outre l’idée d’un passage, au cours de la période considérée, de systèmes relationnels fortement encastrés dans des « liens forts » (qu’ils soient communautaires ou familiaux) à des systèmes plus désencastrés et plus anonymes, régulés par les informations sur les marchés et le droit. Ce qui est essentiel dans les fondements des relations commerciales et de confiance entre marchands, et ce aussi bien dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que dans la première moitié du XIXe siècle, c’est surtout l’appartenance à un même milieu socio-professionnel, celui du négoce, doté de valeurs et d’une langue communes.

Ces résultats ont été largement discutés et validés au cours des quatre années écoulées grâce aux nombreux échanges scientifiques auxquels ils ont donné lieu avec les historien.ne.s spécialistes du sujet, mais aussi avec des spécialistes d’autres périodes et du droit, de la sociologie et de l’économie. Ils ont été exposés dans quatre articles soumis à des revues internationales et sont en train d’être développés dans un ouvrage. Leur élaboration a aussi contribué à constituer autour de ces questions une communauté d’enseignant.e.s-chercheur.se.s qui ont trouvé dans Fiduciae un espace collaboratif pour partager des questionnements théoriques, se former aux méthodes quantitatives de traitement de données complexes et acquérir des connaissances inédites, propres à nourrir aussi bien leurs recherches personnelles que leurs enseignements.

Abstract : The foundations of merchant relationships (France and Europe, 18th and 19th centuries)

Changes in merchant relationships in France and Europe between the mid-18th and mid-19th centuries: A commercial revolution? 

The Fiduciae project aims at providing a formalized discussion and at testing empirically the hypothesis that relationships between merchants in France and Europe became less and less personal in the 18th and 19th centuries. Drawing on a painstaking and systematic archival research of previously unexplored historical documents, it discusses the idea of a modernization of relations between merchants at this time, which would have resulted in the transition from strongly embedded relationships determined by assigned membership (family, religion, ethnicity), to more impersonal and openly prospective market relations. In doing so, it tackles head on the crucial phenomena of specialization, professionalization, anonymization, and the reconfiguration of commercial relationships, which, albeit central in the works of neo-institutional economists—as much as implicit in many of the reflections currently developed in history and in economic sociology—have never been the subject of systematic investigation.

A quantitative study of merchant relationships 

Departing from a historiography that has traditionally favored strictly qualitative and monographic approaches, the Fiduciae project employs quantitative methods coupled with lexicometric, cartographic, and prosopographic analyses to test its hypotheses. To this end, it relies on a large dataset comprised of samples from three types of sources: almost 2,000 first letters in merchant correspondences (lettres d’entrée en relation) addressed to two large French merchant houses (Greffulhe Montz et Cie, in Paris; Roux Frères, in Marseille)—we collected these samples so as to understand why some of the first letters attempting to start a relationship were answered while others were not; a collection of nearly 2,000 printed circular letters addressed to the same two French firms and to the companies Briansiaux of Lille, Veuve Guérin of Lyon and Foache of Le Havre; and a sample of 3,500 powers of attorney (collected over 3 years: 1751, 1800, and 1851) from the notarial archives of Paris, Marseille, Lyon, and Lille. Members of the scientific team of the project created three distinct databases from the approximately 7,500 documents collected in Paris (National Archives), Marseille (Archives of the Marseille-Provence Chamber of Commerce and Departmental Archives of Bouches-du-Rhône), Lyon (Departmental Archives of the Rhône), and Lille (National Archives of the World of Labor and Archives du Nord). In order to independently validate the results obtained from the primary sources, the team also carried out an extensive investigation of the contemporaneous literature—using printed sources such as jurisprudential treaties and commercial manuals—and an in-depth review of the secondary literature. The latter included, in particular, the numerous monographies dedicated to the merchant houses and the places included in the study.

Conclusions 

The conclusions drawn in the several articles we produced in this project’s framework do not, in general, validate the simplest hypotheses on a “commercial revolution.” Our findings in those articles confirm that many significant innovations occurred in the relational practices of merchants during the second half of the eighteenth century. Those innovations however fed on old practices, systematizing them, much more than breaking with them. Our results challenge the idea of a drastic transition, during the period under consideration, from relational systems tightly embedded in strong links (based on the community or family) to more disembedded and anonymous systems supported by markets and legal information. After as well as before the French Revolution, membership to the same socio-professional milieu, sharing common values and a specific language, engendered trust and established an essential foundation for relations between merchants.

These results have been discussed during numerous workshops. Specialists of the topic and period, as well as historians working on other periods, legal scholars, sociologists, and economists have thus contributed to the findings of the project, and benefitted from the discussions in their own research. The Fiduciae team has written four papers, currently sumbitted to or published in major international journals, and is writing a book that will present more precise results. The Fiduciae project has indeed built a genuine team. The (mostly very young) scholars involved have shared theoretical questions and learned quantitative methods suited to complex historical data. Their research and teaching in the next years will benefit from this collective effort.

 

Argumentaire détaillé

Argumentaire du projet/State of the art : cliquer ici

 

Equipe scientifique

Equipe de coordination du projet

Arnaud BARTOLOMEI (coord.), maître de conférences en histoire, Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (CMMC) – Université Côte d’Azur : http://cmmc-nice.fr/membres/arnaud-bartolomei-2/ (contact : bartolomei2@laposte.net)

Matthieu DE OLIVEIRA, maître de conférences en histoire, Institut de Recherches Historiques du Septentrion (IRHIS) – Université Lille III : http://irhis.recherche.univ-lille3.fr/5DeOliveira.html (contact : matthieu.deoliveira@univ-lille3.fr)

Fabien ELOIRE, maître de conférences en sociologie, Centre Lillois d’Etudes et de Recherches Sociologiques et Economiques (CLERSÉ) – Université Lille I : http://clerse.univ-lille1.fr/spip.php?article298 (contact : fabien.eloire@univ-lille1.fr)

Claire LEMERCIER, directrice de recherche au CNRS, Centre de sociologie des organisations (CSO) – Sciences Po : http://www.cso.edu/cv_equipe.asp?per_id=168 (contact : claire.lemercier@sciencespo.fr)

Nadège SOUGY, professeure-assistante en histoire, Institut d’histoire – Université de Neufchâtel : http://www2.unine.ch/nadege.sougy (contact : nadege.sougy@unine.cf)

 

Equipe scientifique du projet

Thierry ALLAIN, maître de conférences en histoire, UMR CRISES – Université Paul Valéry : https://univ-montp3.academia.edu/ThierryAllain (contact : thierry.allain@univ-montp3.fr)

Boris DESCHANEL, maître de conférences en histoire, Centre Norbert Elias – Université d’Avignon et des pays de Vaucluse : http://centre-norbert-elias.ehess.fr/index.php?2366 (contact : bdeschanel@orange.fr)

Mathieu GRENET, maître de conférences en histoire, France Méridionale et Espagne (FRAMESPA) – Centre  Universitaire Jean-François Champollion : http://univ-jfc.academia.edu/MathieuGrenet (contact : mathieugrenet@gmail.com)

Marguerite MARTIN, docteure en histoire, Institutions et Dynamiques Historiques de l’Économie (IDHE) – Université Paris I Panthéon-Sorbonne (contact : marguerite.t.martin@gmail.com)

Thomas MOLLANGER, doctorant en histoire, Groupe de Recherche en Économie Théorique et Appliquée (GRETA) – Université Bordeaux IV : http://gretha.u-bordeaux4.fr/fr/members/mollanger-thomas (contact : thomas.mollanger@gmail.com)

Viera REBOLLEDO, docteure en histoire, Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (CHCSC) – Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines : http://www.uvsq.fr/mme-rebolledo-dhuin-viera-156014.kjsp (contact : viera.rebolledodhuin@free.fr)

Veronica SANTAROSA, professeure-assistante en droit, Michigan Law – University of Michigan : http://www.law.umich.edu/FacultyBio/Pages/FacultyBio.aspx?FacID=aokisan (contact : aokisan@umich.edu)

Sylvie VABRE, maître de conférences en histoire, France Méridionale et Espagne (FRAMESPA) – Université Toulouse II :  http://framespa.univ-tlse2.fr/actualites/pratique/annuaire/vabre-sylvie-206526.kjsp?RH=acteurs (contact : svabre@club-internet.fr)

 

Autres membres du projet

Michela BARBOT

Amalia KESSLER

Xabier LAMIKIZ

Séverine MARIN

Silvia MARZAGALLI

Fabrice PERRON

Patrick VERLEY

 

Compte rendu de fin de projet

Bilan transmis à l'ANR (2018)